**Remarque : Le texte qui suit contient du langage vulgaire qui pourrait offenser certains lecteurs.

Deux sœurs (les plaignantes) ont porté plainte à la Commission des droits de la personne du Yukon (la Commission), soutenant que l’intimée les avait harcelées dans le cadre de leur emploi en raison de leur ascendance et de leur sexe, et qu’elle contrevenait ainsi à la Loi sur les droits de la personne du Yukon. La Commission a transmis ces plaintes au Comité d’arbitrage de la Commission des droits de la personne du Yukon en vue de leur instruction par le Conseil d’arbitrage. Bien que l’intimée ait participé à certaines procédures préalables à l’audience, elle ne s’est pas présentée à l’audience elle-même.

Les plaignantes avaient été engagées par l’intimée pour faire du nettoyage dans une école à la suite de travaux de construction. Alors qu’elles étaient en route pour aller chercher leur chèque de paye auprès de l’intimée, le téléphone de l’une d’elles a sonné, mais il s’agissait d’un « appel de poche ». Les plaignantes ont alors entendu l’intimée se plaindre d’elles et les traiter de « connasses finies ». Elles se sont rendues à leur point de rencontre avec l’intimée, ont pris leur chèque et sont reparties sans rien dire.

Plusieurs jours plus tard, les plaignantes ont démissionné parce qu’elles n’appréciaient pas la façon dont elles étaient traitées. Par la suite, leurs communications avec l’intimée se sont limitées à des questions de paye. Pendant cette période, l’intimée les a informées qu’elle allait baisser leur rémunération au salaire minimum. Les plaignantes n’ayant pas été payées à la date prévue, elles ont contacté la Direction des normes d’emploi pour lui demander conseil. Quelques jours plus tard, l’une d’elles a envoyé un texto à l’intimée pour lui rappeler ses obligations au titre de la Loi sur les normes d’emploi. Dans sa réponse, celle-ci les a traitées d’« ivrognes congénitiales », de squaws et de « toxicos ». L’une des plaignantes présumait qu’elle voulait dire « ivrognes congénitales », une supposition partagée par le Conseil d’arbitrage de la Commission des droits de la personne du Yukon (le Conseil). Le jour suivant, les plaignantes se sont rendues sur le lieu de travail pour aller chercher leur paye, ont pris l’argent et sont reparties. Plus tôt cet après-midi-là, l’intimée avait laissé un message dans la boîte vocale de l’une des plaignantes, où elle les traitait de squaws.

Comme l’a établi la Commission, le Conseil d’arbitrage devait réunir quatre éléments avant de pouvoir conclure que l’intimée avait harcelé les plaignantes :\

  1. l’intimée avait fait des remarques ou des gestes vexatoires;
  2. ces remarques ou gestes s’étaient produits dans des circonstances liées à l’emploi (et contrevenaient donc à l’article 9 de la Loi);
  3. l’intimée savait ou aurait dû savoir que les remarques ou gestes reprochés étaient importuns;
  4. le harcèlement était fondé sur un motif illicite (énoncé à l’article 7 de la Loi).

Premièrement, le Conseil a déterminé que l’intimée avait bien fait des remarques ou des gestes vexatoires. Selon la jurisprudence, les remarques ou gestes vexatoires doivent comporter un élément de répétition et causer de l’embarras, de la détresse, un trouble ou une agitation (Ghosh c. Domglas Inc.). Dans l’affaire qui nous intéresse, le ton et la nature des qualificatifs utilisés par l’intimée étaient injurieux et ces incidents se sont produits à plusieurs reprises. Deuxièmement, même si une partie des remarques ou des gestes de l’intimée ont été faits après la démission des plaignantes, ils ont eu lieu dans le contexte de leurs tentatives pour obtenir leur dernier chèque de paye. Le Conseil a jugé que cet acte constituait un aspect de l’emploi. Par conséquent, l’existence de circonstances liées à l’emploi était avérée. Troisièmement, le Conseil a déterminé que l’intimée savait ou aurait dû savoir que ses remarques ou gestes étaient importuns. En fait, le Conseil a déclaré qu’une personne raisonnable aurait dû savoir que ces noms d’oiseaux étaient importuns. Finalement, le Conseil a cherché à déterminer si les remarques ou gestes vexatoires étaient fondés sur un motif de distinction illicite. Selon la Loi, il est interdit de traiter autrui de manière discriminatoire en fonction de certains motifs. Dans le cas présent, le Conseil a jugé que le mot squaw est péjoratif et raciste et qu’il porte une connotation de genre à l’endroit des femmes autochtones. L’expression « ivrognes congénitales » est également raciste, car elle est ancrée dans le stéréotype raciste voulant que les Autochtones soient tous alcooliques. Par conséquent, le Conseil a conclu que les actions de l’intimée étaient discriminatoires et fondées sur les motifs illicites du sexe et de l’ascendance. Les quatre éléments ayant été réunis, le Conseil a conclu que l’intimée avait bien harcelé les plaignantes.

Après avoir considéré les circonstances entourant l’affaire, dont la nature du harcèlement, sa durée, l’âge des plaignantes et les effets du harcèlement sur elles, le Conseil a décidé d’accorder à chacune 2 500 $ en dommages-intérêts pour atteinte à la dignité, aux sentiments et à l’estime de soi.