À propos du harcèlement sexuel au travail

De nombreux travailleurs et employeurs au Yukon subissent encore les répercussions négatives du harcèlement sexuel au travail. La Commission des droits de la personne du Yukon s’est engagée à fournir des renseignements, à mener des recherches, à donner des formations, à offrir de l’aide en matière d’élaboration de politiques et à instaurer un processus de traitement des plaintes pour éliminer le harcèlement sexuel au travail. Le maintien de lieux de travail équitables, respectueux et sécuritaires est avantageux pour tous les Yukonais.

 

Le harcèlement sexuel au travail est un problème très important. S’il est ignoré ou s’il n’est pas pris suffisamment au sérieux, il peut avoir des répercussions aussi bien sur la productivité des employés que sur les bénéfices des entreprises, en passant par la satisfaction au travail et l’estime de soi des employés. Ses effets ont des répercussions sur des équipes entières et ceux qui les entourent. Enfin, c’est une forme illégale de discrimination. Pour cette raison comme pour bien d’autres, la lutte au harcèlement sexuel au travail est l’affaire de tous. Pour pouvoir prendre des mesures efficaces de lutte, il est impératif de savoir en quoi il consiste. Ce document a pour but de favoriser la prise de mesures concrètes en expliquant ce que signifie l’expression « harcèlement sexuel au travail ».

Quelle que soit la forme que prend le harcèlement, il est toujours répréhensible. Les protections juridiques ont toutefois leurs limites et la Loi sur les droits de la personne du Yukon (la Loi) offre une protection seulement contre du harcèlement qui s’attaque à certaines caractéristiques, appelées motifs illicites de distinction, et dans certaines situations, appelées secteurs protégés. Le harcèlement au travail est interdit par la Loi parce que tous les aspects de l’emploi (embauche, congédiement, traitement en cours d’emploi, etc.) sont des secteurs protégés, et que le sexe (incluant la grossesse), ainsi que l’expression et l’identité de genre sont des motifs illicites de distinction.

Définition

La Loi sur les droits de la personne du Yukon (la Loi) définit le harcèlement comme suit :

« faire des remarques ou des gestes vexatoires, exiger ou solliciter des faveurs sexuelles ou faire des avances, dont on sait ou devrait raisonnablement savoir qu’ils sont importuns. »

Geste ou ensemble de gestes graves

Analysons cette définition pas à pas. Le premier concept important est celui « des remarques ou des gestes vexatoires ». Dans ce cas, vexatoire signifie pénible ou inquiétant. Le pluriel indique que le comportement s’est produit plus d’une fois ou qu’il est répétitif. Des « remarques ou des gestes vexatoires » signifie simplement une série d’actes pénibles.

Un acte isolé peut être considéré comme du harcèlement sexuel s’il est suffisamment grave. Plus l’acte est grave, moins il doit être fréquent pour être considéré comme du harcèlement. Par exemple, une seule agression sexuelle sera presque certainement considérée comme du harcèlement sexuel, mais une seule insulte fondée sur le sexe ne le sera sans doute pas.

Exiger, solliciter, faire des avances

Le deuxième concept important est celui d’« exiger ou solliciter des faveurs sexuelles ou faire des avances ». Cela signifie généralement demander quelque chose qui a un lien avec le sexe, l’identité de genre ou l’expression de genre de la personne harcelée. Cela peut aller de demander un rendez-vous galant jusqu’à exiger des actes sexuels.

Sexe et identité ou expression de genre sont des motifs illicites de distinction selon la Loi.

Si l’on combine les deux premières parties de la définition, on comprend qu’une série d’actes pénibles ou d’exigences liées au sexe ou à l’identité ou l’expression de genre est très probablement du harcèlement sexuel. Par exemple, afficher des images à connotation sexuelle dans les toilettes communes du lieu de travail, ou exiger un rendez-vous galant quand on est un superviseur responsable de l’évaluation du rendement des employés peut être du harcèlement sexuel, tout comme appeler quelqu’un d’un nom désobligeant associé à son sexe ou son genre, ou refuser de parler à un collègue en utilisant le pronom de son choix.

Importuns et blessants

La dernière partie de la définition se lit « des gestes […] dont on sait ou devrait raisonnablement savoir qu’ils sont importuns ». On pourrait la reformuler ainsi : « une personne raisonnable serait-elle gênée, mal à l’aise ou effrayée par cette conduite? » Le comportement doit être celui d’une personne ordinaire, peu importe l’intention. Dans les cas de harcèlement sexuel au travail, c’est l’impact sur la personne harcelée qui importe.

Donc, le harcèlement sexuel signifie généralement des actes graves ou répétés ou des exigences liées au sexe, à l’identité de genre ou à l’expression de genre qui engendrent la gêne, le malaise ou la peur. Sachant cela, il est facile de comprendre pourquoi le harcèlement sexuel est presque toujours un jeu de pouvoir, et ne doit pas nécessairement comporter un élément d’attirance sexuelle. Par exemple, quelqu’un qui fait toujours des plaisanteries sexistes qui minent la confiance d’un collègue ne le fait peut-être pas en raison d’une attirance sexuelle envers ce collègue. Ce n’en est pas moins du harcèlement sexuel. Que ce soit intentionnel ou non, ce genre de plaisanteries vient souvent renforcer une mentalité qui règne dans les milieux de travail traditionnellement associés à un sexe, et peut miner l’autorité et l’estime de soi de ceux et celles qui en sont la cible.

La menace de représailles est souvent un autre aspect de la dynamique de pouvoir. Les représailles et la peur des représailles sont des éléments majeurs du harcèlement sexuel au travail. Les employés harcelés peuvent ne pas parler de la gêne que leur causent les actions de leur supérieur parce qu’ils craignent de perdre leur emploi ou de manquer des occasions d’avancement. Parfois, ils craignent aussi les représailles de leurs collègues qui pourraient les considérer comme des « mouchards » ou des « rabat-joie ». Les deux raisons principales pour lesquelles les victimes ne signalent pas le harcèlement sexuel au travail sont la crainte de représailles et le manque de confiance dans le processus de traitement des plaintes.

Le contexte est important!

Quand on parle de harcèlement sexuel, le contexte est très important. Demander poliment un rendez-vous galant à un collègue de rang égal peut être parfaitement légitime et ne dérangera, n’embarrassera et n’effraiera probablement pas l’autre personne. Par contre, la même proposition venant d’un supérieur peut être très embarrassante si la personne a le sentiment qu’elle pourrait en subir des conséquences néfastes en cas de refus.
Un autre élément contextuel important est le sens que l’on accorde à l’expression « milieu de travail ». Dans certains cas, il est évident. Le harcèlement sexuel qui se produit dans vos bureaux ou sur les lieux de travail se produit évidemment au travail. Cependant, l’expression « milieu de travail » englobe aussi les situations où une personne représente son employeur, ou encore des situations où la dynamique de pouvoir du milieu de travail est présente, par exemple un dîner avec des clients, un déplacement vers un lieu de travail ou même une fête. Les collègues restent des collègues, même à l’extérieur des lieux physiques où ils travaillent, et ces relations et dynamiques de pouvoir sont le véritable sens de ce que l’on entend par « milieu de travail ».

Le harcèlement sexuel au travail est l’affaire de tous

De nombreux mythes et postulats circulent sur le harcèlement sexuel au travail. Dans la définition du harcèlement sexuel au travail, rien ne dit que les personnes qui harcèlent sont des hommes et que les victimes sont des femmes. Les études montrent que la majorité des victimes sont des femmes, mais ce n’est pas toujours le cas. Le harcèlement sexuel ne doit pas nécessairement avoir une connotation d’attirance sexuelle. Le harcèlement d’une employée parce qu’elle est enceinte, ou d’une personne dont l’expression de genre ne correspond pas à la norme du milieu de travail reste du harcèlement sexuel. N’importe qui peut être victime de harcèlement sexuel au travail et n’importe qui peut harceler quelqu’un, mais certaines personnes en sont plus souvent victimes que d’autres. Les personnes qui présentent certaines caractéristiques considérées comme des motifs illicites de distinction, comme être une personne handicapée, être membre d’une minorité racisée, ou membre de la communauté LGBTQ2S+, courent toutes un risque accru de subir du harcèlement sexuel au travail.

Que vous soyez employeur, employé, intervenant ou entrepreneur, il est essentiel de comprendre la définition juridique du harcèlement sexuel au travail. Vous pourrez ainsi mieux comprendre vos droits et vos responsabilités en milieu de travail. C’est une première étape indispensable pour pouvoir prendre des mesures efficaces de lutte contre le harcèlement sexuel au travail et créer des environnements de travail plus respectueux au Yukon.

Si vous avez des questions sur le harcèlement sexuel au travail, contactez la Commission des droits de la personne du Yukon. Nous sommes là pour vous aider!

Le droit de travailler dans des conditions justes et équitables est un droit humain fondamental. Cela inclut le droit à un milieu de travail sans harcèlement où tous les employés sont traités avec respect par leur employeur, les autres employés et les clients. Lorsqu’une personne subit du harcèlement sexuel au travail, cela peut miner son sentiment d’intégrité personnelle, l’empêcher de gagner sa vie, de travailler efficacement ou de réaliser tout son potentiel.

Dans la mesure du possible, l’employeur doit s’assurer que tous les employés sont traités avec le respect auquel ils ont droit et dont ils ont besoin. Il a l’obligation légale de prévenir le harcèlement sexuel au travail et d’y remédier si cela se produit. Pour prévenir le harcèlement sexuel, on peut, entre autres, informer les employés des politiques pertinentes, leur offrir une formation au sujet du harcèlement sexuel, et créer une culture d’entreprise respectueuse. Si une plainte pour harcèlement sexuel est déposée, l’employeur est tenu d’y répondre, d’écouter l’employé et de traiter la plainte rapidement et en toute confidentialité.

Les employés sont tenus au même respect et sont responsables de leurs gestes envers les autres employés. Ils doivent se conduire de manière respectueuse au travail et pendant les rencontres liées au travail.

Si le contexte est favorable et sûr, les employés doivent faire part de leurs inquiétudes concernant le harcèlement sexuel et demander l’aide d’un superviseur, d’un directeur ou d’un responsable des ressources humaines, ou de leur syndicat, et participer au processus de redressement.

Liste de contrôle de l’employé

  • Agir comme modèle de comportement respectueux au travail.
  • Se familiariser avec les politiques relatives au harcèlement sexuel au travail.
  • Intervenir quand il est témoin d’un comportement irrespectueux ou de harcèlement sexuel et le signaler.
  • Demander de l’aide ou des conseils au personnel des ressources humaines ou au syndicat pour concevoir une intervention constructive en cas de comportement irrespectueux au travail.
  • Participer pleinement à toutes les interventions et collaborer avec l’employeur pour résoudre les problèmes de harcèlement sexuel au travail.

Les employés et la Commission des droits de la personne du Yukon

Si une plainte est déposée auprès de la Commission des droits de la personne, l’employé a les droits ci-dessous :

  • L’employé peut déposer une plainte sans qu’il se sente jugé ou embarrassé.
  • L’identité des parties ne sera pas rendue publique. Seules les parties et les témoins éventuels seront au courant de la plainte, à moins que la plainte soit instruite devant le conseil d’arbitrage, dont les audiences sont publiques.
  • Le plaignant peut demander des conseils et de l’aide à quiconque au cours du processus de plainte.
  • Le plaignant sera tenu au courant du processus de traitement de sa plainte.
  • Le plaignant peut demander à tout moment que les enquêtes cessent.

Cliquez ici pour en savoir plus sur les plaintes relatives aux droits de la personne.

Les organisations et les établissements qui exercent leurs activités au Canada ont la responsabilité légale de s’assurer que les droits de la personne sont respectés sur les lieux de travail. Cela comprend notamment l’obligation de prendre des mesures pour prévenir le harcèlement sexuel et pour y remédier. Ces mesures ont notamment pour avantage d’accroître la productivité, d’améliorer le moral, ainsi que de réduire l’absentéisme, les frais juridiques et la responsabilité légale.

L’article 35 de la Loi sur les droits de la personne du Yukon prévoit que « L’employeur est responsable des actes discriminatoires de ses employés, à moins qu’il ne soit établi que les actes ont été accomplis sans son consentement et qu’il avait pris les mesures nécessaires pour empêcher leur accomplissement ou, après en avoir pris connaissance, avait essayé de corriger la situation ».

Les personnes qui en harcèlent d’autres sont responsables de leurs gestes, mais dans la plupart des cas, l’employeur a aussi la responsabilité de corriger la situation de manière diligente et appropriée. La responsabilité d’instaurer un milieu de travail sûr et respectueux découle de l’obligation légale qu’ont les employeurs du Yukon de prévoir des mesures en cas d’actes discriminatoires au travail et de faire en sorte que cela ne se produise pas (en vertu de l’article 35 de la Loi sur les droits de la personne du Yukon), en plus de veiller à ce que le milieu de travail soit sûr et sans risque pour la santé (comme l’exige l’article 3 de la Loi sur la santé et la sécurité au travail).

Responsabilité et reddition de compte

Dans son commentaire sur l’article de la Loi portant sur la responsabilité civile de l’employeur, la Cour suprême du Yukon note que « la formulation de l’article 35 de la Loi crée une responsabilité pour l’employeur, à moins qu’il ne soit établi que les actes ont été accomplis sans son consentement et qu’il avait pris les mesures nécessaires pour empêcher leur accomplissement, ou avait essayé de corriger la situation après en avoir pris connaissance ». L’employeur est responsable lorsqu’il savait ou qu’il aurait dû savoir qu’il y avait du harcèlement sexuel dans son entreprise. Dans certains cas, l’employeur peut même avoir la responsabilité de prendre des mesures dans un cas de harcèlement sexuel commis par une personne qui n’est pas à son emploi. Si l’employeur ne remédie pas à la situation de manière satisfaisante, il peut être tenu légalement responsable par l’employé qui a subi le harcèlement.
L’employeur est responsable des gestes de l’employé qui a commis le harcèlement sexuel au travail parce que l’employeur est la seule partie qui peut mettre fin aux effets de la discrimination en instaurant un milieu de travail sain.

Réponse raisonnable à une plainte pour harcèlement sexuel

Conformément à cette obligation, lorsqu’il est mis au courant d’un cas de harcèlement sexuel, un employeur doit immédiatement faire enquête de manière discrète et confidentielle, et prendre des mesures raisonnables pour remédier à la situation. La Cour suprême du Canada a déclaré qu’« un employeur qui, devant une plainte, réagit promptement et efficacement en établissant un plan destiné à remédier à la situation et à empêcher qu’elle ne se reproduise ne sera pas responsable dans la même mesure, si jamais il l’est vraiment, qu’un employeur qui n’adopte pas de telles mesures. Ces questions concernent cependant les conséquences en matière de redressement et non pas la responsabilité ».

Politiques

Lorsque le caractère raisonnable de la réponse de l’employeur à une plainte pour harcèlement sexuel est évalué, « l’existence et le contenu des politiques de lutte au harcèlement et la procédure d’enquête connexe » sont pris en compte. L’employeur et les autres parties responsables doivent prévenir le harcèlement sexuel par la mise en application de politiques explicites de lutte contre le harcèlement sexuel qui établissent les droits, les rôles et les responsabilités de toutes les parties. L’employeur doit élaborer des politiques qui définissent clairement la nature des gestes qui constituent du harcèlement sexuel et la manière dont seront traités les cas de harcèlement sexuel. Ces politiques doivent être distribuées dans toute l’organisation. L’employeur pourrait aussi établir des politiques d’utilisation des réseaux sociaux et des moyens de communication en ligne de manière à interdire le sexisme et le harcèlement sexuel en ligne, notamment par l’intermédiaire du service de courriel de l’entreprise.

Formation

Bien des lieux de travail ont déjà adopté des politiques de prévention de la violence et du harcèlement sexuel, mais il arrive souvent que le personnel ne soit pas régulièrement formé à l’application de ces politiques. Les politiques sont vraiment efficaces lorsque des formations régulières sont données pendant les heures normales de travail.

Culture organisationnelle

Une culture organisationnelle saine où le harcèlement n’est pas toléré ne peut être instaurée sans établir des normes et des codes de conduite appropriés pour l’ensemble de l’organisation. Il faut s’engager fermement à créer un milieu de travail diversifié, inclusif et respectueux, et consacrer suffisamment de ressources à l’élaboration de politiques, à la formation et à la mise en place d’un mécanisme efficace de règlement des plaintes.

Liste de contrôle de l’employeur

  • Agir comme modèle de comportement respectueux au travail.
  • Élaborer et appliquer des politiques qui favorisent un milieu de travail respectueux et s’assurer que les résultats sont obtenus dans le respect des employés.
  • S’assurer que tous les employés sont au courant du contenu, de l’importance et des incidences des politiques en matière de harcèlement sexuel en offrant régulièrement des ateliers de formation et de sensibilisation.
  • S’assurer que les personnes chargées de la gestion des conflits et des comportements irrespectueux au travail possèdent les compétences nécessaires pour ce faire.
  • S’assurer de répondre rapidement et confidentiellement aux inquiétudes exprimées à l’égard des conflits ou du harcèlement.
  • Répondre de manière appropriée aux plaintes pour harcèlement sexuel :
  • en prenant la plainte au sérieux;
    • en menant une enquête sur les incidents;
    • en offrant une aide appropriée à l’employé affecté;
    • en prenant des mesures correctives adéquates;
    • en s’assurant que l’organisation ou la personne responsable du harcèlement n’exerce pas de représailles en réaction à la plainte.

Les employeurs et la Commission des droits de la personne du Yukon

Si une plainte relative aux droits de la personne est portée contre un employeur, la Commission peut prendre en considération les responsabilités suivantes de l’employeur.

  • Quelles étaient les ressources disponibles pour traiter une plainte pour harcèlement sexuel?
  • Quelles procédures et politiques ont été mises en œuvre pour lutter contre les cas de discrimination et de harcèlement?
  • Le milieu de travail est-il toxique?
  • A-t-on pris des mesures adéquates?
  • L’employeur a-t-il réagi rapidement à la plainte?
  • La plainte a-t-elle été prise au sérieux?

1 Hureau v. Yukon Human Rights Board of Adjudication, [2014] YKSC 21
2 Robichaud v. Canada, [1987] 2 SCR 84
3 Robichaud v. Canada, [1987] 2 SCR 84 at para 19
4 Payette v. Alarm Guard Security Service [2011] OHRTD No 109

Du début du 20e siècle jusqu’à nos jours, la perception du harcèlement sexuel au travail a évolué. On le considère aujourd’hui comme un comportement inacceptable et intolérable qui contrevient aux législations internationales, nationales, provinciales et territoriales sur les droits de la personne. Malheureusement, le harcèlement sexuel persiste, bien que son illégalité soit reconnue et malgré tous les efforts consentis pour l’éradiquer de la société. Au Canada, le harcèlement sexuel au travail est considéré comme très enraciné et on le retrouve dans tous les types d’emplois et d’organisations.

En Amérique du Nord, le lieu de travail a longtemps été pensé comme un territoire masculin, conception issue de la notion idéalisée que l’homme est le pourvoyeur de la famille, et la femme est la personne au foyer. Ensuite, au début du 20e siècle, un nombre croissant de femmes sont entrées sur le marché du travail. Un grand nombre d’entre elles étaient célibataires et la plupart craignaient quelque peu d’occuper un emploi. Ces craintes n’étaient pas seulement liées au fait d’aller à l’encontre de l’opinion dominante sur la place des femmes dans la société, mais aussi au choix entre la misère si elles ne travaillaient pas et le harcèlement ou même l’agression sexuelle au travail. Pour les femmes, le harcèlement sexuel faisait partie des conditions de travail, tout comme les bas salaires, les longues heures et les lieux de travail dangereux.

En raison de la croyance répandue dans toute la société que la place des femmes était au foyer, on considérait que les femmes qui entraient sur le marché du travail renonçaient à leur intégrité et à leur statut naturel. Certains ont avancé l’hypothèse que l’image que l’on se faisait des femmes au travail avait donné aux hommes plus de latitude pour les harceler sexuellement, et validait un comportement qui était une manière indirecte d’imposer le statu quo et d’assurer la domination masculine en milieu de travail.

Pendant la Première Guerre mondiale, de nombreuses femmes ont occupé les postes des travailleurs qui s’étaient engagés dans les forces armées, mais le besoin en travailleurs n’était pas assez important pour qu’il faille engager un grand nombre de femmes. À la fin de la guerre, les femmes célibataires ont subi des pressions pour délaisser le marché du travail, tandis que la législation obligeait les femmes mariées à quitter leur emploi.

Le mouvement des femmes du début du 20e siècle s’est surtout concentré sur la lutte pour l’égalité sur les plans juridique et politique, mais les travailleuses ont toujours lutté aux côtés des mouvements syndicaux, quoique de façon assez marginale, pour améliorer les conditions de travail, même si elles n’ont pas toujours bénéficié de leur soutien. Il convient de noter que la majorité des Canadiennes ont fait cause commune avec leurs semblables. C’est surtout le cas des femmes de classe moyenne d’origine européenne qui ont eu de nombreuses occasions de s’organiser. La plupart des militantes ont participé à la réforme des sociétés dominées par les hommes blancs, urbains, hétérosexuels et de classe moyenne. Cette approche unidimensionnelle des droits des femmes a fait ombrage à de nombreuses identités et a assourdi les voix émanant d’autres horizons intersectionnels, sociaux et politiques.

À mesure que la Grande Dépression s’estompait et que la Deuxième Guerre mondiale engendrait un accroissement impressionnant de la production et de l’emploi, l’embauche des femmes a repris de plus belle. Même si, après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, elles ont à nouveau été poussées à quitter le marché du travail par l’annulation de mesures incitatives comme les garderies financées par le gouvernement, nombre d’entre elles sont demeurées dans la population active.

À l’échelle internationale, trois ans après la fin de la guerre, l’Assemblé générale des Nations Unies a adopté la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Cette Déclaration de 1948 « trace, courageusement, une nouvelle voie en faveur des droits de la personne en présentant une vision de la liberté » dans tous les aspects de la vie. Bien que la protection contre le harcèlement sexuel au travail soit loin d’être reconnue comme telle, l’article 23 de la Déclaration stipule que « Toute personne a droit […] à des conditions équitables et satisfaisantes de travail […] ».

Au Canada, avec la croissance économique rapide des années 1950, des lois sur les obligations d’adaptation et les pratiques équitables en matière d’emploi ont été adoptées. C’étaient des avancées importantes, quoique modestes, vers l’égalité en milieu de travail. En 1970, la Commission royale d’enquête sur la situation de la femme au Canada a déposé un rapport révolutionnaire qui inventoriait une multitude de lois et de politiques discriminatoires à l’égard des femmes. Le travail de cette Commission a donné un nouveau souffle au mouvement des femmes de l’époque. Dans les années 1960 et 1970, le mouvement des femmes exigeait que soient prises des mesures à l’égard d’un grand nombre de questions liées à l’emploi, notamment la protection contre le harcèlement sexuel au travail. En même temps que le mouvement pour l’égalité et contre la discrimination porté par les groupes de femmes gagnait du terrain, les provinces et les territoires canadiens commençaient à élaborer des législations détaillées relatives aux droits de la personne.

Quand le Parlement canadien a adopté la Loi canadienne sur les droits de la personne en 1977, le harcèlement sexuel n’était pas reconnu comme une forme de discrimination. Il a fallu attendre 1980 avant que l’on discute officiellement du fait que le harcèlement sexuel pourrait être considéré comme de la discrimination fondée sur le sexe. Auparavant, la Commission des droits de la personne rejetait les plaintes pour harcèlement sexuel (Aggarwal, 1987), car sa conception de la discrimination fondée sur le sexe était très étroite. C’est seulement en 1983 que le harcèlement sexuel a été intégré à la définition de la discrimination fondée sur le sexe, et la Cour Suprême du Canada a confirmé cette définition en 1989.

Aujourd’hui, le Yukon, dont la Commission des droits de la personne a été créée en 1987, est l’une des sept régions administratives qui interdisent explicitement le harcèlement sexuel. Pour prendre connaissance de la définition du harcèlement sexuel donnée par la Loi sur les droits de la personne du Yukon, cliquez ici. Selon cette définition, le harcèlement sexuel n’est pas une forme de discrimination qui s’applique uniquement au harcèlement fondé sur le sexe d’une personne. Le harcèlement fondé sur l’orientation sexuelle, ou l’identité ou l’expression de genre est également interdit. Comme l’a expliqué la Cour suprême du Canada, le harcèlement sexuel au travail « constitue de la discrimination sexuelle parce qu’il s’agissait de pratiques ou d’attitudes qui avaient pour effet de limiter les conditions d’emploi ou les possibilités d’emplois de certains employés en raison d’une caractéristique prêtée aux personnes de leur sexe » (Janzen c. Platy Enterprises Ltd. [1989] 1 RCS 1252). Bien que, pendant de nombreuses années, la jurisprudence ait considéré que l’identité et l’expression de genre entraient dans le champ d’application de la définition de l’orientation sexuelle, elles n’ont pas constitué des caractéristiques spécifiquement protégées par la Loi sur les droits de la personne du Yukon avant 2017.

Au cours de la deuxième décennie du 21e siècle, les mouvements sur les réseaux sociaux ont porté à l’attention du public le fait qu’il reste encore beaucoup à faire dans le domaine de l’égalité en milieu de travail. Ces mouvements ont pris naissance en réaction à des problèmes persistants et s’appuient sur les mouvements dont nous avons parlé dans les paragraphes précédents. Au Canada, près de 20 % des femmes et 13 % des hommes disent avoir été victimes de harcèlement au travail. Au fil des années, la Commission des droits de la personne du Yukon a reçu et continue de recevoir des plaintes pour harcèlement sexuel au travail qui sont renvoyées en arbitrage ou font l’objet d’un règlement. Dans un contexte de prise de conscience et de volonté délibérée des acteurs de notre société de changer cette culture du harcèlement sexuel, la révélation du fait que le harcèlement sexuel est profondément enraciné dans certains milieux de travail a souligné l’urgence de s’attaquer à ce problème persistant.

Les conventions internationales sur les droits de la personne et les décisions judiciaires canadiennes reconnaissent que le harcèlement constitue en fait un abus de pouvoir qui sert à renforcer les rôles traditionnellement déterminés en fonction du sexe. Il faut absolument prendre des mesures pour contrer le harcèlement sexuel au travail si l’on veut éliminer les disparités en matière d’emploi et la discrimination sexuelle au travail.

La récente initiative de la Commission des droits de la personne du Yukon, Vers un Yukon sans harcèlement sexuel au travail, mise sur pied avec le soutien du gouvernement fédéral, a pour objectif de sensibiliser la population du Yukon, et d’améliorer ses connaissances, ses compétences et ses capacités en matière de lutte au harcèlement sexuel au travail. Pour mener à bien ce projet, la Commission s’appuie sur l’évolution favorable de la culture organisationnelle au Canada depuis la fin du 18e siècle, et elle poursuivra son travail d’éradication du harcèlement sexuel au travail au Yukon.