Le plaignant, qui travaillait au ministère de l’Environnement du Yukon, a reçu un diagnostic de trouble bipolaire à la suite d’un épisode maniaque aigu. Il est retourné au travail dans l’année qui a suivi son diagnostic. En raison de son état, il connaissait une phase de dépression plusieurs mois pendant la saison hivernale, suivie d’une hypomanie au printemps. Notons que l’hypomanie est caractérisée par des symptômes tels qu’un besoin réduit de sommeil, une plus grande énergie, une acuité mentale exacerbée, mais parfois aussi des difficultés à se concentrer pendant de longues périodes.

À son retour au travail, le plaignant a entrepris d’informer correctement la direction et ses collègues sur sa maladie. Le Ministère a mis en place des mesures d’adaptation en lui offrant des modalités de travail flexibles. Il était notamment autorisé à prendre des pauses plus fréquentes, à restructurer ses tâches de travail et à travailler à domicile. Plusieurs années plus tard, le plaignant a été nommé à une affectation temporaire au même ministère. Il a alors informé le sous-ministre qu’il se trouvait dans une phase hypomaniaque saisonnière. Un jour où il assistait à une réunion, il a critiqué un projet et s’est livré à un comportement que le sous-ministre avait qualifié de « terriblement agressif », « chicanier » et « perturbateur ».

Par la suite, le plaignant a reçu une lettre du sous-ministre lui ordonnant de quitter immédiatement le travail et de demander de l’aide médicale. La lettre l’informait en outre qu’il était désormais en congé de maladie payé et que de l’aide lui serait offerte afin qu’il puisse retourner au travail dès que possible. Le plaignant a consulté son médecin de famille, mais ne lui a pas demandé d’évaluation médicale. Il a également refusé de quitter le travail et ses fonctions. L’intimé a exigé que le plaignant lui fournisse une évaluation psychiatrique avant de retourner au travail.

À la suite de ces événements, le plaignant a porté plainte à la Commission des droits de la personne (la Commission), soutenant qu’il avait fait l’objet sur son lieu de travail de discrimination fondée sur son incapacité mentale. Il a porté plainte contre son supérieur, le sous-ministre, et contre son employeur, le gouvernement du Yukon (les intimés). Il soutenait que leurs actes contrevenaient aux dispositions suivantes de la Loi sur les droits de la personne du Yukon (la Loi) :

  1. l’alinéa 7h), qui interdit la discrimination fondée sur une incapacité mentale;
  2. l’article 8, qui exige de l’employeur qu’il prenne des mesures d’adaptation à l’égard des besoins résultant d’une incapacité;
  3. l’alinéa 9b), qui interdit la discrimination relativement à toute circonstance liée à l’emploi.

Le Conseil d’arbitrage de la Commission des droits de la personne du Yukon a examiné les questions suivantes.

  1. Les préjugés de l’intimé sur le trouble bipolaire ont-ils donné lieu à des actes discriminatoires à l’endroit du plaignant?
  2. Ses actes étaient-ils discriminatoires? Les actes en question étant l’obligation de démissionner, l’interdiction d’accès au lieu de travail et l’obligation de passer une évaluation psychiatrique.
  3. Les intimés ont-ils pris des mesures raisonnables pour s’adapter aux besoins du plaignant au point de la contrainte excessive?
  4. L’absence d’une politique concernant les employés ayant des troubles mentaux a-t-elle eu des répercussions négatives pour le plaignant?

Premièrement, le Conseil n’a pas jugé que l’intimé avait fait preuve de discrimination à l’endroit du plaignant. Comme les preuves en témoignaient, le plaignant avait bien informé les intimés de son état et ceux-ci avaient pris des mesures en conséquence pendant six ans. Par ailleurs, la décision des intimés de ne pas imposer une sanction disciplinaire au plaignant pour son écart de conduite montrait qu’ils étaient au fait de son incapacité. Ils ont jugé que son comportement n’était pas intentionnel et lui ont demandé d’aller chercher de l’aide médicale.

Deuxièmement, le Conseil n’a trouvé aucun élément de preuve démontrant que le plaignant avait parlé de sa phase bipolaire hypomaniaque avec son médecin. En effet, comme il avait omis de produire un billet du médecin, rien n’indiquait qu’il avait tenté de corriger la situation.

Troisièmement, le Conseil a déterminé que l’intimé n’avait pas ménagé ses efforts pour maintenir le plaignant en poste, comme en témoignait le fait qu’il lui avait d’abord mis en congé payé au lieu de lui imposer une sanction disciplinaire. Par ailleurs, lorsque le plaignant avait refusé de quitter son emploi, l’intimé lui avait demandé de fournir une évaluation psychiatrique avant de revenir.

Quatrièmement, au moment de l’instruction de la plainte, le Conseil ne disposait d’aucune information quant à l’utilité des politiques en matière d’adaptation de l’intimé. Quoi qu’il en soit, le Conseil doutait que l’existence de solides politiques pour les personnes ayant une incapacité mentale ait changé quoi que ce soit à cette affaire.

Le Conseil a donc rejeté la plainte.