La décision du Conseil d’arbitrage de la Commission des droits de la personne du Yukon (le Conseil) dans l’affaire Hanson c. Hureau Intersport a été portée en appel devant la Cour suprême du Yukon (la Cour). En vertu de l’article 28 de la Loi sur les droits de la personne du Yukon, les parties ont le droit d’interjeter appel des décisions du Conseil, mais seulement sur des questions de droit. Autrement dit, elles peuvent uniquement contester la façon dont le Conseil a appliqué ou interprété la loi. Or, les questions abordées par l’intimé et la plaignante n’étaient pas toutes des « questions de droit ». La Cour a accepté d’examiner les suivantes.
- Le Conseil a-t-il fait fausse route en basant ses décisions sur ses propres recherches et en n’accordant pas aux parties l’occasion de les contester ou d’y réagir?
- A-t-il fait fausse route en refusant d’accorder à la plaignante des dommages-intérêts pour atteinte à la dignité, aux sentiments et à l’estime de soi? Dans le même ordre d’esprit, a-t-il fait fausse route en refusant les preuves supplémentaires de la plaignante en lien avec la question des dommages-intérêts?
- Enfin, a-t-il fait fausse route en dégageant la société intimée de toute responsabilité dans cette affaire de harcèlement sexuel?
D’abord, rappelons que le Conseil, pour prendre sa décision, s’est basé sur des études existantes et a conclu que les adultes devaient prendre une plus grande part de responsabilité que les adolescents dans leurs interactions avec ceux-ci. La Cour a déclaré que le Conseil n’aurait pas dû examiner des preuves du domaine des sciences sociales que les parties ne lui avaient pas transmises. Elle a toutefois déterminé que le Conseil n’avait pas fait fausse route en tenant compte de l’immaturité du développement du cerveau chez les adolescents. Il s’agit en réalité d’un fait notoire, et du seul facteur que le Conseil a retenu de l’étude en question. Par ailleurs, cette information ajoutait simplement au contexte, sans influer sur la décision du Conseil en général.
Deuxièmement, la Cour a déterminé que le Conseil avait pris une décision raisonnable en refusant les preuves supplémentaires de la plaignante. Celle-ci avait déjà soumis ses preuves à l’audience initiale et il était inutile d’en ajouter après la conclusion de l’affaire.
Troisièmement, la Cour a jugé que le Conseil avait commis une erreur de droit dans sa décision relative aux dommages-intérêts. Le Conseil avait déterminé que la plaignante était jeune, vulnérable et occupait alors son tout premier emploi. Elle avait pourtant subi des effets psychologiques et avait brièvement dû consulter un professionnel. La Cour a jugé qu’il ne s’agissait pas là d’effets insignifiants ou sans gravité. Elle a déclaré que les dommages psychologiques sont aussi graves que les préjudices corporels et souvent bien plus difficiles à réparer avant que la victime puisse rétablir. La Cour a par ailleurs jugé que rien ne peut réparer l’exposition publique des parties à une instance, le stress et les inconvénients que celle-ci ne manque de leur causer. La détermination des dommages-intérêts doit donc se limiter aux préjudices causés par le harcèlement sexuel. Aussi la Cour a-t-elle ordonné à l’intimé de verser à la plaignante un montant de 5 000 $ en dommages-intérêts pour atteinte à la dignité, aux sentiments et à l’estime de soi.
Enfin, la Cour a déterminé que le Conseil avait fait fausse route en dégageant la société intimée de toute responsabilité. Il s’avère que monsieur H. était le propriétaire majoritaire de la société intimée, alors celle-ci était forcément informée des faits. En effet, lorsque la plaignante a avisé monsieur H. qu’elle démissionnait parce qu’il avait « dépassé les limites », la société intimée en était dès lors informée.