**Remarque : Les dispositions de la Loi sur les droits de la personne du Yukon (la Loi) énumérées ci-dessous ne correspondent pas au texte de loi actuel.

La plaignante a fait une demande d’adhésion auprès de l’organisation intimée. Sa candidature a été rejetée sur le motif de son genre. En raison de ses statuts constitutifs et de ses traditions, l’organisation intimée considérait que seuls les hommes pouvaient en devenir membres. Les objectifs premiers de l’organisation intimée étaient d’ordre social, historique et culturel, et ses activités étaient axées en premier lieu sur le bien-être de ses membres. Aux termes de ses statuts constitutifs, l’organisation intimée avait pour but « la formation [entre ses membres] de liens étroits de fraternité ». Elle était aussi vouée à « l’avancement du territoire du Yukon » ainsi qu’à la collecte et à la conservation « de documents et d’anecdotes concernant l’histoire du Yukon ». Après le rejet de sa candidature, la plaignante a déposé une plainte devant la Commission des droits de la personne du Yukon (la Commission). Quand le Conseil d’arbitrage de la Commission des droits de la personne du Yukon (le Conseil) a instruit la plainte, le Conseil yukonnais de la condition de la femme – intervenant dans l’affaire – a présenté des observations écrites. Un intervenant est une personne qui n’est pas partie à l’affaire et qui participe à la plainte. Une décision rendue dans une cause peut concerner les droits de personnes qui n’y sont pas parties, ce pour quoi la participation d’un intervenant est parfois pertinente.

Le Conseil a reconnu que les gestes de l’organisation intimée constituaient une forme de discrimination à l’endroit de la plaignante et des femmes en général, aux termes de la définition à l’alinéa 6f) de la Loi sur les droits de la personne du Yukon (la Loi). Ainsi, la discrimination a été établie au sens abstrait. Toutefois, le Conseil a cherché à répondre aux questions suivantes :

  1. La discrimination était-elle un comportement interdit au sens de l’alinéa 8a) de la Loi?
  2. Auquel cas, l’exemption prévue au paragraphe 10(1) de la Loi s’appliquait-elle?

Tout d’abord, le Conseil a conclu que la discrimination était un comportement interdit au sens de l’alinéa 8a) de la Loi, qui interdit de faire preuve de discrimination relativement « à l’offre ou à la fourniture au public de services, de biens ou d’installations ». Le Conseil a interprété cet alinéa de façon libérale, comme c’est le cas de la majorité des dispositions en matière de droits de la personne. En vertu de l’alinéa 8a), il ne peut y avoir discrimination dans la prestation d’un service public. Si le Conseil a reconnu que la principale activité de l’organisation intimée ne relevait pas des services publics, il a aussi tenu compte des objectifs énoncés dans ses statuts constitutifs, qui font référence à « l’avancement du territoire du Yukon » ainsi qu’à la collecte et à la conservation « de documents et d’anecdotes concernant l’histoire du Yukon ». Par conséquent, le Conseil a conclu que ces statuts prévoyaient un important aspect de service public.

Le Conseil a ensuite cherché à déterminer si l’organisation intimée avait commis de la discrimination dans la prestation de services publics. Dans sa décision, le Conseil a indiqué que l’alinéa 8a) s’appliquait aux politiques en matière d’adhésion des organisations dans au moins deux cas :

  1. Quand l’adhésion n’est qu’une formalité, une organisation serait considérée comme faisant preuve de discrimination si elle refuse de fournir un service public en refusant l’adhésion d’une personne.
  2. Quand la qualité d’un service est affectée par des actes discriminatoires, comme la sélection des membres.

Le Conseil a estimé que la première situation ne s’appliquait pas, car le processus de sélection des membres était, dans cette affaire, légitime. Pour ce qui est de la seconde, le Conseil a jugé que l’exclusion des femmes par l’organisation intimée affectait la qualité du service public rendu. En effet, l’organisation intimée ne peut accomplir adéquatement sa mission de recueillir et de préserver l’histoire du Yukon sans la contribution active, par l’adhésion, de tout un pan de la société.

Ensuite, le Conseil a conclu que le paragraphe 10(1) de la Loi ne s’appliquait pas à la présente affaire. L’article 10 énonce des exemptions ou des situations qui ne constituent pas des actes discriminatoires. Le paragraphe 10(1) indique que « [ne] constitue pas un acte discriminatoire le fait pour un organisme […] social ou culturel […] d’accorder la préférence à ses membres ou aux particuliers que l’organisme a été créé pour servir ». Le Conseil a déterminé que les « particuliers que l’organisme a été créé pour servir » étaient toute la population yukonnaise, hommes et femmes, du moins pour ce qui est de la collecte et de la préservation de l’histoire du Yukon. Ainsi, l’exemption ne pouvait s’appliquer.

Par conséquent, le Conseil a jugé qu’il y avait eu discrimination dans cette affaire. Le Conseil a ordonné à l’organisation intimée d’examiner la demande de la plaignante sans tenir compte de son sexe.