**Remarque : Les dispositions de la Loi sur les droits de la personne du Yukon (la Loi) énumérées ci-dessous ne correspondent pas au texte de loi actuel.
L’entreprise T était un dépanneur. Monsieur B en était le secrétaire corporatif et gérait les activités commerciales normales de l’entreprise T. Monsieur S a été engagé par l’entreprise T comme entrepreneur. Il y faisait des travaux de réparation mineurs et offrait des services « d’homme à tout faire ». La plaignante a été embauchée par monsieur B pour travailler au dépanneur. Alors qu’il travaillait sur place, monsieur S a demandé à la plaignante quelle était son orientation sexuelle. La plaignante a affirmé être attirée par les femmes. Plus tard ce mois-là, une collègue de la plaignante l’a informée que monsieur S faisait des remarques sexuellement explicites à son endroit. Puis, monsieur S a fait des remarques sexuellement explicites directement à la plaignante. La plaignante a aussi remarqué que monsieur S lorgnait son corps. Elle lui a alors demandé d’arrêter. La plaignante a porté la situation à l’attention de monsieur B à plusieurs reprises, mais le problème a persisté. Même si monsieur S a présenté des excuses et a cessé ses remarques à la plaignante, les collègues de cette dernière l’ont informée qu’il continuait de faire des remarques sur son orientation sexuelle derrière son dos. La plaignante s’est fait dire de régler elle-même la situation. Plus tard, monsieur B a décidé, à la lumière, entre autres raisons, du conflit entre la plaignante et monsieur S et de la plainte formulée à la GRC, de congédier la plaignante.
Une plainte a été déposée devant la Commission des droits de la personne du Yukon (la Commission). La plaignante soutenait que monsieur B, l’entreprise T et monsieur S contrevenaient aux dispositions suivantes de la Loi sur les droits de la personne du Yukon (la Loi) :
- l’article 13, qui interdit le harcèlement;
- les alinéas 6f), g) et l), qui interdisent la discrimination pour les motifs du sexe, de l’orientation sexuelle et de l’association réelle ou présumée avec d’autres particuliers ou groupes dont les traits distinctifs sont déterminés par les caractéristiques mentionnées dans la Loi ou dont l’adhésion découle de ces caractéristiques;
- l’alinéa 8b), qui interdit la discrimination liée à l’emploi;
Le Conseil d’arbitrage de la Commission des droits de la personne du Yukon (le Conseil) a d’abord examiné s’il s’agissait d’un cas de harcèlement sexuel. Il s’est appuyé sur la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Janzen c. Platy Enterprises Ltd., dans laquelle elle définit le harcèlement sexuel comme « une conduite de nature sexuelle non sollicitée » qui a un effet défavorable sur le milieu de travail ou qui a des conséquences préjudiciables en matière d’emploi pour la victime. Le harcèlement sexuel est une forme de discrimination fondée sur le sexe.
Pour déterminer s’il y avait eu harcèlement, le Conseil s’est basé sur la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Matthews c. Memorial University of Newfoundland. Dans cette affaire, un test a été établi pour déterminer si un cas constituait du harcèlement :
- Est-ce que les remarques ou gestes étaient vexatoires aux yeux de la plaignante?
- Est-ce que l’intimé savait ou aurait dû savoir que ses remarques ou gestes étaient importuns?
Dans la présente affaire, la plaignante a clairement indiqué que les remarques et gestes de monsieur S la mettaient mal à l’aise et avaient créé un milieu de travail défavorable pour elle. Ensuite, le Conseil a conclu que monsieur S savait ou aurait dû savoir que ses remarques et gestes étaient importuns. La plaignante a clairement dit à monsieur S et à monsieur B qu’elle n’appréciait pas les remarques et que celles-ci étaient importunes.
Par la suite, le Conseil a examiné si l’employeur de monsieur S devait être tenu responsable des actes discriminatoires de ce dernier. La Cour suprême du Canada a statué qu’un employeur doit être tenu responsable des actes discriminatoires d’un employé, du moment que les remarques ou gestes sont liés au travail. L’employeur est en effet le mieux placé pour résoudre les situations pénibles et veiller à ce que le milieu de travail soit un environnement sain. L’article 32 de la Loi prévoit par ailleurs que l’employeur peut être tenu responsable des actes discriminatoires de ses employés. Dans la présente affaire, monsieur B n’a pas pris la situation de la plaignante au sérieux. En effet, il lui a dit de régler elle-même la situation. Quand cela n’a pas fonctionné, monsieur B a demandé à la plaignante et à monsieur S de s’éviter autant que possible. Par conséquent, le Conseil a conclu que l’employeur devait être tenu responsable des actes de son employé.
Le Conseil a ordonné à monsieur B et à l’entreprise T d’établir une politique claire contre le harcèlement sexuel qui sera ensuite communiquée à tous les employés actuels et aux nouveaux employés. Le Conseil a ordonné qu’une affiche indiquant que le harcèlement sexuel n’est pas toléré sur le lieu de travail soit installée à un endroit où tous les employés pourront facilement la voir. De plus, le Conseil a obligé l’intimé à rembourser la plaignante pour les pertes financières qu’elle avait subies entre le moment de son congédiement et le moment où elle avait trouvé un nouvel emploi. Le Conseil a par ailleurs accordé un montant de 2000 $ à la plaignante pour atteinte à la dignité, aux sentiments et à l’estime de soi.