**Remarque : Ce document contient de l’information sur des violences sexuelles qui pourrait offenser certains lecteurs.
B.S et M.A (les plaignantes), respectivement âgées de 17 ans et de 15 ans, travaillaient dans un restaurant. L’intimé était leur supérieur. Toutes deux ont porté plainte pour harcèlement sexuel à la Commission des droits de la personne du Yukon (la Commission). B.S. soutenait que l’intimé lui avait fait des remarques grossières à caractère sexuel, lui avait touché le dos, l’épaule et le bras, lui avait enfoncé son doigt dans les côtes, lui avait pincé les fesses et se tenait tout contre elle pour lui parler. M.A., quant à elle, soutenait que l’intimé lui avait donné un coup de pied aux fesses à deux reprises et lui avait touché le bas du dos à cinq reprises. Les deux plaignantes ont quitté leur emploi à cause du comportement de l’intimé.
Pour prendre sa décision, le Conseil d’arbitrage de la Commission des droits de la personne du Yukon (le Conseil) a examiné les dispositions suivantes de la Loi sur les droits de la personne du Yukon (la Loi) :
- l’alinéa 7f), qui interdit la discrimination fondée sur le sexe;
- l’alinéa 9b), qui interdit la discrimination relativement à toute circonstance liée à l’emploi;
- le paragraphe 14(1), qui interdit le harcèlement et les représailles contre toute personne qui refuse d’être harcelée.
Le Conseil s’est référé à l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans l’affaire de harcèlement sexuel qui fait autorité : Janzen c. Platy Enterprises. La Cour avait alors établi que le harcèlement sexuel constitue une forme de discrimination sexuelle, qu’il peut se manifester de manière physique ou psychologique et que, dans une affaire de harcèlement sexuel, les plaignants doivent prouver quatre éléments :
- les remarques ou les gestes étaient de nature sexuelle;
- ils étaient importuns;
- l’auteur des remarques ou actes présumés savait ou aurait dû savoir qu’ils étaient importuns;
- les remarques ou gestes ont eu des effets néfastes dans le milieu de travail et ont eu des conséquences professionnelles négatives.
Le Conseil a déterminé que les remarques ou gestes de l’intimé à l’endroit des deux plaignantes avaient une connotation sexuelle et qu’ils étaient importuns à leurs yeux. Le Conseil a également jugé que l’intimé savait ou aurait dû savoir que sa conduite était importune. En fait, le Conseil a fait valoir qu’il s’agissait d’une situation manifeste de déséquilibre de pouvoir entre l’intimé et les plaignantes : il était leur superviseur, il était plus âgé, c’était un homme et il était en position de les engager aussi bien que de les congédier. En outre, eu égard au contexte historique du Yukon – notamment le legs des pensionnats – le fait que les plaignantes aient été d’ascendance autochtone et que l’intimé ait été d’ascendance non autochtone ajoute encore au déséquilibre de pouvoir entre les parties. Enfin, le Conseil a jugé que la conduite de l’intimé avait eu des conséquences professionnelles négatives sur les plaignantes. Toutes deux ont dû quitter leur emploi et disaient avoir de la difficulté à retrouver du travail. Toutes deux ont fait état de conséquences émotionnelles. Par conséquent, le Conseil a déterminé que le comportement de l’intimé constituait du harcèlement sexuel.
Ensuite, le Conseil a cherché à déterminer si les plaignantes avaient droit à des dommages-intérêts pour atteinte à la dignité, aux sentiments et à l’estime de soi. Pour en déterminer le montant, le Conseil prend généralement en compte les facteurs suivants :
- la nature du harcèlement (verbal ou physique);
- le degré d’agressivité et de contact physique manifesté dans le harcèlement;
- sa durée et sa fréquence;
- l’âge et la vulnérabilité de la victime;
- les effets psychologiques du harcèlement sur celle-ci.
Le Conseil a déterminé que le harcèlement s’était surtout manifesté de manière physique, mais parfois aussi sous forme verbale. Il a jugé que les actions de l’intimé étaient agressives et s’étaient produites à plusieurs reprises. Les deux plaignantes étaient mal à l’aise et ont quitté leur emploi à cause de ce comportement. Par conséquent, le Conseil a ordonné à l’intimé de verser à chaque plaignante un montant de 5 000 $ pour atteinte à la dignité, aux sentiments et à l’estime de soi. Il a également accordé 1 680 $ à B.S. et 840 $ à M.A. pour leurs revenus perdus.