À la suite de la décision de la Cour suprême du Yukon concernant l’affaire Molloy c. Gestion des immeubles, gouvernement du Yukon, le Conseil d’arbitrage de la Commission des droits de la personne du Yukon (le Conseil) a décidé de réexaminer la plainte. Le Conseil a alors examiné les questions suivantes.

  1. Le plaignant était-il dans une relation d’emploi lorsque les actes discriminatoires présumés se sont produits?
  2. Si oui, l’intimé a-t-il gêné celui-ci dans l’exercice de ses fonctions, ou dans tout autre aspect de son emploi en retirant ses employés de l’atelier de formation pour lequel le YTEC avait retenu les services du plaignant, et ainsi contrevenu à l’alinéa 9b) de la Loi sur les droits de la personne du Yukon (la Loi), qui interdit la discrimination relativement à toute circonstance liée à l’emploi?
  3. Si oui, l’a-t-il fait en raison des antécédents criminels du plaignant?
  4. S’il l’a fait en raison des antécédents criminels du plaignant, avait-il un motif raisonnable de prendre cette décision, par exemple en raison des exigences ou des compétences professionnelles raisonnables relatives à l’emploi du plaignant, ou parce que les antécédents criminels étaient reliés à l’emploi occupé par le plaignant?
  5. Si la discrimination est avérée, quel recours faut-il mettre en place?

Premièrement, le Conseil a jugé que le plaignant exerçait un emploi au moment où les actes de discrimination présumés ont été commis. Le plaignant était un fournisseur indépendant et l’organisme tiers avait retenu ses services pour donner de la formation aux employés de l’intimé. Le fait qu’il était un fournisseur indépendant ne changeait rien au fait qu’il exerçait un emploi au sens de la Loi. La Cour a donc établi que le plaignant était dans une relation d’emploi avec l’organisme tiers. Cela dit, l’organisme tiers n’était pas intimé dans cette affaire. Il fallait donc examiner la relation entre le plaignant et l’intimé et déterminer si elle était protégée par le droit en matière de droits de la personne du Yukon.

Deuxièmement, la Cour a jugé que le Conseil avait fait fausse route en concluant à l’absence d’une relation d’emploi entre le plaignant et l’intimé. À son avis, l’intimé avait manifestement brimé le plaignant dans sa capacité à poursuivre le travail pour lequel l’organisme tiers l’avait engagé.

Pour analyser la deuxième question et déterminer si le plaignant se trouvait dans une relation d’emploi avec l’intimé, le Conseil a eu recours à une approche contextuelle (voir Luka c. Lockerbie et Hole, et Syncrude Canada). Le Conseil a notamment examiné les questions suivantes.

  1. Y avait-il manifestement un autre employeur en cause? En l’occurrence, le Conseil a établi que le plaignant se trouvait dans une relation d’emploi avec l’organisme tiers. Son employeur était donc manifestement l’organisme tiers.
  2. Qui payait le salaire du plaignant? L’organisme tiers versait son salaire au plaignant, mais l’intimé en assumait la charge. Cependant, lorsque l’intimé a retiré ses employés de l’atelier, l’organisme tiers ne lui a rien facturé et il a assumé lui-même la charge financière.
  3. Existe-t-il des preuves d’emploi, comme un contrat de travail, une convention collective, des déductions à la source ou des relevés d’emploi? Ne s’applique pas, car le plaignant n’était pas un employé au sens classique du terme, mais un fournisseur sans lien de dépendance avec l’organisme tiers.
  4. Qui supervisait les activités du plaignant? L’organisme tiers avait retenu les services du plaignant et lui dictait ses activités.
  5. À qui les services du plaignant bénéficiaient-ils? Les employés de l’intimé étaient les bénéficiaires directs de l’atelier, mais l’organisme tiers en aurait aussi profité parce que l’intimé était censé le payer.
  6. Dans quelle mesure le plaignant était-il lié à l’organisation qui l’employait? Il n’était lié ni à l’organisme tiers ni à l’organisation intimée.
  7. Qui, de l’avis des parties, était l’employeur? Personne n’estimait que l’intimé était l’employeur du plaignant.
  8. La démarche de l’intimé avait-elle pour but explicite d’échapper à ses responsabilités juridiques? Aucune preuve ne permettait de le conclure.
  9. Existait-il une relation contractuelle directe entre le plaignant et l’intimé? Il n’existait pas de telle relation entre le plaignant et l’intimé.
  10. Y avait-il des liens de dépendance entre l’intimé et l’organisme tiers? L’organisme tiers et l’intimé étaient liés par une relation contractuelle.
  11. Quelle était la nature de la relation entre l’organisme tiers et l’intimé? Il existait une relation contractuelle indépendante relativement à la prestation d’un service précis.
  12. Dans quelle mesure l’intimé exerçait-il un contrôle sur l’exécution du travail du plaignant? L’intimé pouvait indiquer le contenu de l’atelier, mais c’est l’organisme tiers qui indiquait de quelle façon l’enseigner.

Le Conseil a établi à la lumière de ces éléments que le plaignant n’était pas dans une relation d’emploi avec l’intimé.

Ensuite, le Conseil a voulu déterminer si les actions de l’intimé constituaient tout de même de la discrimination relativement à toute circonstance liée à l’emploi, au sens de l’alinéa 9b) de la Loi. D’après l’alinéa 14(2)a), une circonstance liée à l’emploi s’entend de la possibilité d’exercer l’emploi. Dans cette affaire, en retirant ses employés de l’atelier, l’intimé a bel et bien créé une situation où le plaignant a perdu l’emploi pour lequel l’organisme tiers l’avait engagé.

Quatrièmement, le Conseil a établi que l’intimé n’avait pas fait preuve de discrimination à l’endroit du plaignant en raison de ses antécédents criminels. La principale raison pour laquelle il avait annulé l’atelier reposait sur des craintes pour la sécurité des employés. Rien ne prouvait qu’il l’avait fait en raison des antécédents criminels du plaignant. En fait, les preuves indiquaient plutôt que sa décision s’appuyait uniquement sur sa responsabilité à l’égard de la santé et de la sécurité de ses employés. Le Conseil a jugé que cette motivation était crédible au regard de certains actes et comportements du plaignant sur le lieu de travail de l’intimé.

Le Conseil n’ayant pas conclu à l’existence d’actes discriminatoires, la cinquième question était caduque. La plainte a donc été rejetée.