Le plaignant a été engagé par le Collège du Yukon (le Collège) en tant que technicien en soutien informatique à temps plein en mai 2001. Il a terminé sa période probatoire de six mois en mai 2002. Au cours de cette période, il a développé un ulcère nécessitant une transfusion sanguine. Peu après sa période probatoire, ses problèmes de santé ont commencé à s’aggraver. Il a souffert de graves saignements gastro-intestinaux et a reçu un diagnostic d’insuffisance hépatique terminale attribuable à l’hépatite C. Par la suite, l’état du plaignant s’est encore détérioré. Seule une greffe de foie pouvait lui sauver la vie. Il a donc informé le Collège de sa situation et celui-ci a approuvé son arrêt de travail pour cause de maladie et d’invalidité de longue durée.

Le plaignant devait enfin recevoir une greffe de foie en mai 2004, mais pour des raisons propres à l’hôpital, l’opération a été retardée jusqu’en août 2004. Son rétablissement a été retardé par des complications. En octobre 2004, le Collège a envoyé une lettre au plaignant pour l’aviser de sa cessation d’emploi « pour des raisons de besoins opérationnels ».

Le plaignant a porté plainte auprès de la Commission des droits de la personne (la Commission), soutenant qu’il avait fait l’objet de discrimination fondée sur son incapacité physique. À ce titre, il soutenait que le Collège contrevenait aux dispositions suivantes de la Loi sur les droits de la personne du Yukon (la Loi) :

  1. l’alinéa 7h), qui interdit la discrimination fondée sur l’incapacité physique;
  2. le paragraphe 8(1), qui exige de l’employeur qu’il prenne des mesures d’adaptation raisonnables à l’égard des besoins spéciaux de ses employés.

Pour cette analyse, le Conseil d’arbitrage de la Commission des droits de la personne du Yukon a examiné les questions suivantes.

  1. Le Collège a-t-il fait preuve, à l’endroit du plaignant, de discrimination fondée sur son incapacité physique?
  2. Le Collège a-t-il respecté son obligation de prendre des mesures raisonnables à l’endroit du plaignant?
  3. S’agit-il d’un cas de discrimination systémique?
  4. Si le plaignant a bien fait l’objet de discrimination fondée sur son incapacité physique ou de discrimination systémique, quel recours conviendrait le mieux?

Le Conseil a déterminé que le plaignant a fort probablement fait l’objet d’une discrimination fondée sur son incapacité, en particulier au vu du fait que l’intimé ne lui a pas demandé quelles étaient les chances qu’il retourne au travail. Le Conseil a jugé que l’intimé avait mis fin à l’emploi du plaignant parce que celui-ci était dans l’incapacité de travailler et que l’intimé ne voulait pas perdre la personne qu’il avait trouvée pour son remplacement temporaire.

Le Conseil a également déterminé que l’intimé avait décidé de congédier le plaignant peu après sa greffe de foie, avant même que son état se soit stabilisé et qu’il puisse avoir une idée de ses chances de retour au travail. Il a constaté que l’intimé n’avait fait pratiquement aucun effort pour vérifier si le plaignant était susceptible de réintégrer ses fonctions après la greffe. En particulier, il n’a jamais contacté le médecin du plaignant ou l’assureur. En l’absence de preuves concrètes sur les démarches de l’intimé pour trouver d’autres solutions que le licenciement du plaignant, le Conseil n’est pas arrivé à déterminer les contraintes qu’il aurait subies s’il n’avait pas mis fin à l’emploi du plaignant.

Le Conseil a jugé qu’en appliquant de façon arbitraire une période de deux ans comme le fait son fournisseur d’assurance invalidité et se basant sur la limite de deux ans applicable aux postes temporaires qui est énoncée dans la convention collective, l’intimé a enfreint l’article concernant la discrimination systémique de la Loi sur les droits de la personne.

Il a ordonné à l’intimé ce qui suit : réintégrer le plaignant à temps plein dans ses fonctions en lui versant son plein salaire, établir dans un délai de 30 jours un plan d’adaptation pour faciliter son retour au travail, rembourser leurs frais au plaignant et à la Commission, et instaurer une politique pour contrer le risque de discrimination systémique en cas de licenciement d’un employé ayant une incapacité, à soumettre à l’approbation de la Commission. Le Conseil ne lui a toutefois pas ordonné de verser une indemnité pour les revenus perdus.