La plaignante a porté plainte auprès de la Commission des droits de la personne (la Commission), soutenant que la société intimée avait fait preuve à son endroit de discrimination fondée sur une incapacité mentale. La plaignante était atteinte d’un trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale. Avec l’aide de la Fetal Alcohol Syndrome Society of Yukon (FASSY) et de ses agents de soutien, elle avait signé un bail pour emménager dans une maison individuelle détenue par la société intimée. Le gestionnaire de la société intimée avait accepté de coopérer avec les agents de la FASSY pendant toute la durée du bail.
La plaignante a rencontré plusieurs problèmes pendant qu’elle habitait là. Le gestionnaire de la société intimée lui a demandé à plusieurs reprises de fournir les documents signés du bail et le remboursement d’une fenêtre cassée en insistant pour lui parler directement au lieu de discuter avec son travailleur social du FASSY. Plus tard, la société intimée a mis fin à son bail. La plaignante a affirmé que ce faisant, la société intimée avait manqué à son obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de son incapacité. Par conséquent, elle soutenait que l’intimé contrevenait aux dispositions suivantes de la Loi sur les droits de la personne du Yukon (la Loi) :
- l’alinéa 7h), qui interdit la discrimination fondée sur l’incapacité physique ou mentale;
- le paragraphe 8(1), qui exige de prendre des mesures raisonnables en matière d’emploi, de moyens d’hébergement et de services à l’égard des besoins spéciaux d’autrui lorsque ces besoins résultent de l’incapacité physique;
- l’alinéa 9d), qui interdit la discrimination relativement à toute circonstance liée à l’occupation, à la possession, à la location ou à la vente de biens offerts au public.
Avant de rendre sa décision, le Conseil d’arbitrage de la Commission des droits de la personne du Yukon (le Conseil) a émis plusieurs commentaires d’ordre général sur la discrimination constructive, l’incapacité et l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. De manière générale, la discrimination s’entend de tout traitement différentiel fondé sur un motif de distinction illicite, par exemple l’incapacité dont traite l’article 7 de la Loi. La discrimination constructive s’entend des règles, des politiques et des pratiques qui ne sont pas intentionnellement discriminatoires, mais qui peuvent néanmoins avoir un effet discriminatoire sur un groupe protégé par la Loi. Le Conseil a en outre expliqué que l’incapacité comporte un volet social. La Cour suprême du Canada a en effet reconnu que ce pourrait être, en réalité, la réaction de la société qui est la cause des limites. Autrement dit, les limites pourraient être causées par l’absence de mesures d’adaptation, et non par l’incapacité elle-même. L’obligation de prendre des mesures d’adaptation signifie que les structures et les politiques en place doivent accorder à chacun le droit à la pleine jouissance et à l’utilisation de leur logement. Si l’article 7 de la Loi traite expressément des incapacités physiques, le Conseil a néanmoins déclaré qu’il est obligatoire de prendre des mesures d’adaptation pour toutes les formes d’incapacité.
Le Conseil a déterminé qu’il lui fallait trancher deux questions dans cette cause.
- Les actes de la société intimée étaient-ils discriminatoires?
- La société intimée a-t-elle pris des mesures raisonnables pour s’adapter en toutes circonstances aux besoins de la plaignante?
Premièrement, le Conseil a déterminé que l’incapacité avait été un facteur dans la résiliation du bail de la plaignante. Par conséquent, la décision de la société intimée d’expulser la plaignante constituait un acte discriminatoire. Ensuite, le Conseil a cherché à savoir si la société intimée avait pris des mesures raisonnables pour s’adapter en toutes circonstances aux besoins de la plaignante. De manière générale, nul n’est obligé de prendre de telles mesures si celles-ci doivent entraîner une contrainte excessive. Toutefois, dans le cas présent, la mesure d’adaptation demandée était simple. Le gestionnaire de la société intimée devait seulement communiquer avec la FASSY pour toute question touchant la relation locateur-locataire. Par conséquent, la société intimée a manqué à son obligation de prendre des mesures d’adaptation. Le Conseil a conclu que la société intimée, en manquant à cette obligation, avait bien fait preuve de discrimination à l’endroit de la plaignante.
Le Conseil a ordonné qu’elle lui fasse des excuses et lui rembourse le solde du dépôt de garantie.